L'Américaine Patti Smith, 54 ans, quelques rides et une ferveur intacte pour les idéaux comme pour la musique de sa jeunesse,
enchaîne de nouveau disques et concerts, après s'être tue durant les années 80.
Poétesse rock, elle ne pouvait manquer une petite halte au pays de son cher Rimbaud. Patti Smith est née en 1946 à Chicago. Fille d'une serveuse chanteuse de jazz et d'un ouvrier, elle grandit dans le New Jersey.
A vingt-trois ans, l'oiseau s'envole pour New York, où elle a trouvé un petit job dans une librairie.
Elle cohabite avec le photographe Robert Mapplethorpe, simple étudiant, et se passionne autant pour la littérature que pour Dylan et les Stones.
Elle écrit et publie poésie et pièces de théâtre.
En 1971, rencontre avec le rock-critic et guitariste Lenny Kaye, qui va désormais accompagner sa poésie chantée.
Lors d'une performance "Rock n' Rimbaud", ils décident d'étendre leur collaboration.
Un guitariste et un pianiste les rejoignent pour une année 1974 riche de concerts.
Au printemps 1975, après avoir joué huit semaines dans un petit club, le CBGB's, le Patti Smith Group décroche un contrat.
La formation, complétée, enregistre le magnifique "Horses", dans la filiation discrète du rock "arty".
Se succèdent "Radio Ethiopia", "Easter", "Wave"... Dont la chanson "Because The Night", reprise par Bruce Springsteen, est un succès mondial.
Mais Patti se retire en 1979, après sa rencontre avec le guitariste Fred "Sonic" Smith.
Ils se marient, ont deux enfants, enregistrent un nouveau disque en 1988 ("Dream of Life"), fidèle aux idéaux des années 70 ("People Have The Power").
En 1993, une lecture de poèmes de Patti Smith draine plusieurs milliers de personnes à Central Park. Deux ans plus tard, on la retrouve sur scène.
Question de survie, peut-être, après la mort brutale de Fred Smith d'un arrêt du coeur.
Retour en studio avec "Gone Again", puis en 2000, l'excellent "Gung Ho", conclu par un hymne rebelle à Ho Chi Minh.
Une tournée conduit Patti Smith en France les 10 et 11 juillet 2001. A l'Elysée-Montmartre, devant un public transporté,
elle égrène quelques morceaux de bravoure ("Rock and Roll Nigger"), pop songs ("Redondo Beach", "Be My Baby") ou incantations poétiques ("Pissing in a River", "Birdland").
En grande forme à 54 ans, Patti porte très haut l'oriflamme électrique !
L’histoire de Patti Smith est en grande partie une histoire d’émancipation. Au moins depuis ce jour où, encore enfant,
elle découvre que l’on peut écrire soi-même un livre comme ceux qu’elle lit avec gourmandise
depuis que sa mère lui a appris avant même qu’elle n’aille à l’école. Depuis ce jour, elle tient le moyen de sa revanche sur cette impression d’être toujours exclue
et étrangère à son entourage, jusque dans sa propre famille. C’est une question de temps. D’endroit aussi.
Le bon endroit s’appelle New York City, où, c’est presque une évidence, elle se retrouve à l’hôtel Chelsea.
Comme Dylan Thomas, l’un de ses héros parmi d’autres : d’Albert Schweitzer à Brian Jones ou Jim Morrison,
en passant par les poètes français du XIXe siècle et les écrivains de la beat generation. Chacun est une inspiration.
À New York, au début des années 1970, elle vit avec le photographe Robert Mapplethorpe, et écrit des poèmes qu’elle lit sur scène,
parfois en première partie des groupes de rock.
« J’étais plutôt bonne à cela, se souvient-elle plus tard, jusqu’à ce que ça ne marche plus du tout. »
Elle découvre qu’elle a besoin du soutien d’une guitare électrique pour retrouver la magie.
Le Patti Smith Group naît de cette alliance : la puissance de la poésie et l’énergie du rock électrique.
À la guitare : un certain Lenny Kaye, également connu comme instigateur de Nuggets, une compilation qui,
en 1973, sort des limbes de l’histoire du rock américain des années 1960 quelques groupes oubliés qui surent,
sans espoir de rédemption, conjuguer rage et élégance. Une façon de prendre parti contre le rock établi qui sévit à ce moment-là.
Fonder le Patti Smith Group relève de la même attitude. C’est, passé le deuil des rêves perdus, redonner à la poésie électrique une chance de changer le monde.
Et, pour Patti Smith, un moyen d’« ouvrir des portes ». Devenir soi-même une inspiration.
Entre Horses, en 1975, et Wave en 1979, en blanc virginal, Patti Smith ouvre effectivement quelques portes que d’autres s’empressent de l’aider à garder ouvertes un moment.
Mais elle est seule à ouvrir celle des filles. Avec son air androgyne et ses allures de clocharde céleste.
En faisant tout comme un mec : en étant rock-critic, en portant des tee-shirts Keith Richards et en montant un groupe qui porte son nom parce qu’il est sa vision.
Les filles n’ont pas la même place dans l’histoire du rock avant et après Patti Smith. Étonnant comme cela peut paraître loin aujourd’hui tellement la présence d’une P. J. Harvey ou d’une Chan Marshall (Cat Power) paraît évidente.
En une demi-décennie, le groupe passe « d’un premier concert devant 200 personnes à Saint-Marks Place à ce concert à Florence devant 70 000 personnes »,
comme le résume plus tard Lenny Kaye.
Ce concert a lieu en 1979 et c’est le dernier avant longtemps.
La machine s’est emballée et le seul moyen de l’arrêter est de tout arrêter